Myostatine : quand la nature limite notre potentiel musculaire
- Biohacking France
- 22 août 2024
- 9 min de lecture
Dernière mise à jour : 14 janv.

Myostatine et musculation
Quel est le point commun entre Eddie Hall (ancien « Homme le plus fort du monde »), Flex Wheeler (l’un des meilleurs bodybuilders des années 90) et un bovin blanc bleu belge ? D’un point de vue hormonal, les 3 possèdent une déficience en myostatine.
La plupart des pratiquants de musculation connaissent l’importance de la testostérone, de la synthèse protéique et de la récupération.
Nombre d’entre eux cherchent à les optimiser via une routine et une supplémentation adéquate. Mais peu d’entre eux ont déjà entendu parler de la myostatine (aussi appelé GDF-8). Cette dernière peut être la raison pour laquelle deux pratiquants ayant le même entrainement, la même capacité de récupération, la même diète et le même taux de testostérone obtiennent des résultats différents.
Certains champions de culturisme sont nés avec une déficience en myostatine ce qui leur a permis d’atteindre des niveaux masse musculaire peu égalée. C’est le cas pour Flex Wheeler, Ronnie Coleman et surement beaucoup d’autres. Le GDF-8 n’ayant été découvert qu’en 1997, de nombreux culturistes des années 70-80 devaient surement posséder cette déficience sans le savoir.
Maintenant qu’en est-il des gens normaux ? Qu’en est-il de ceux qui souhaitent inhiber ou du moins réduire leur taux de myostatine pour acquérir les bénéfices cités plus haut ?
On peut l’affirmer sans trop de risque : l’inhibition de la myostatine est probablement la prochaine étape dans le monde du bodybuilding. Théoriquement, un individu bloquant sa myostatine pourrait accroitre sa masse musculaire et réduire son taux de masse grasse sans même s’entrainer.
Une synergie entre une déficience en myostatine, une consommation de stéroïdes anabolisants et d’hormone de croissance peut en laisser certains rêveurs par rapport au futur du bodybuilding.
Mais qu’en est-il réellement ? D’ou vient cette déficience? Existe-t-il des moyens de réduire son taux de myostatine pour ceux qui ont un taux normal? Et si oui, quel peut être l'impact sur la santé?
Un bovin « blanc bleu belge » dont la musculature est expliquée par une déficience en myostatine.
Qu’est-ce que la myostatine ?
Découverte en 1997, la myostatine est un facteur de croissance qui a pour but de limiter la croissance musculaire. Elle s’exprime dans les myocytes striées (fibres musculaires). Elle intervient dès la vie fœtale en contrôlant la prolifération des cellules musculaires en inhibant le recrutement des cellules satellites. Ce procédé limite le nombre total de fibres musculaires.
Il semblerait que la myostatine intervienne également dans l’adipogénèse et l’ostéogénèse. En effet, en comparant deux groupes de rats, une inhibition de myostatine réduit le taux de masse grasse alors que la consommation de calories reste pourtant similaire dans les deux groupes tests.
L'etude suivante nous démontre que les œstrogènes semblent jouer un rôle protecteur en réduisant les dommages musculaires (qui se manifestent ici par une augmentation de la myostatine post effort) lors d’un travail musculaire en excentrique. Les sujets mâles ont eu une augmentation de la myostatine 24h après l’effort alors que l’on a constaté une réduction de cette dernière chez les sujets femmes.
D’où vient la déficience en myostatine ?
Le taux de myostatine peut varier d’un individu à l’autre mais l’inactivité du gène MSTN entraine une inhibition de la myostatine. Lorsque cette mutation est présente chez un organisme, cela entraîne une hypertrophie musculaire excessive ainsi qu’une diminution des taux de masse grasse.
Le meilleur exemple est le bovin blanc bleu belge ou encore la race bovine piémontaise. Ces races possèdent le gène Culard qui leur accorde une déficience en myostatine. Ces races ont donc été spécifiquement conçues, à travers une reproduction et une sélection de gènes contrôlés, pour donner vie à des bovins possédant une masse musculaire extrêmement élevée ainsi qu’un faible taux de masse grasse. Ce ratio permet ainsi un meilleur rendement à l’abattage.
On trouve également des exemples chez les êtres humains. Cette étude porte sur un très jeune enfant. Quelques mois après sa naissance, il apparait comme étant extrêmement musclé. Son développement mentale et moteur apparait normal tout comme sa santé. A l’âge de 4ans et demi, il était capable de maintenir 2 haltères de 3kg à l’horizontal, bras tendus.
Il est important de noter que sa mère était une athlète professionnelle et que plusieurs membres de sa famille étaient dotés d’une grande force physique. La transmission génétique semble être une hypothèse viable dans l’apparition de cette mutation.
Myostatine et Évolution
D’un point de vue évolutionniste, la présence de la myostatine s’explique logiquement. Un corps trop musclé demande un nombre de calories considérable pour maintenir cette masse tout en réduisant ses capacités d’endurances et d’agilités. L’Homme n’étant pas le mammifère le plus imposant, ses qualités d’endurance et d’agilité étaient plus essentiels dans sa survie que sa force pure ou sa masse musculaire..
En plus de provoquer une hypertrophie excessive, une déficience de myostatine réduit la capacité de notre corps à développer de la graisse. Avec l'arrivée de la myostatine, le corps humain a pu réduire la quantité de muscle et stocker l'excès d'énergie en graisse pendant les périodes d'abondance. Nos corps pouvaient alors consommer cette graisse lors de la prochaine restriction calorique (qui correspondait généralement à l’hiver).
La perte de muscle a réduit le nombre de calories nécessaire ce qui a favorisée notre survie. L’évolution a donc sélectionné au fil des générations les individus possédant une myostatine suffisamment élevée pour s’adapter aux périodes de famines.
Paradoxalement une déficience en myostatine mène à une relative faiblesse musculaire et tendineuse malgré une hypertrophie excessive. Les organismes possédant le gène Culard sont également plus sujets aux dommages musculaires, blessures, déchirures etc…
On observe également une altération des types de fibres musculaires : la déficience en myostatine augmente considérablement les fibres de types II (fibre à contraction rapide) et réduit les fibres de types I (Fibre à contraction lente).
Eddie Hall et le légendaire soulevé de terre à 500kg. Hall possède apparemment le gène d'hercule qui lui permet d'afficher un faible taux de myostatine. Cela lui a permis d'effectuer des performances hors du communs.
Myostatine et Néandertalien
Une des pistes qui peut nous faire comprendre l'origine de certaines mutations du gène lié à la myostatine nous amène à l'Homme de Néandertal.
C'est une espèce du genre Homo disparus il y'a 30000/40000 ans. Cependant les recherches indiquent que notre espèce, l'Homo Sapiens, partage un ancêtre commun avec Néandertal. C'est un lien qui se serait établit il y'a 450 000 ans. Les deux espèces Homo ont également coexisté pendant plusieurs millénaires en Europe et dans une partie d'Asie. Cette cohabitation a permis un mélange génétique: les néandertaliens se seraient métissés avec la population Homo Sapiens entre 60000 ans et 40000 ans plus tôt. C'est la raison pour laquelle nombre d’européens possèdent aujourd’hui 1 à 2% d'ADN provenant de Néandertaliens.
L'Homme de Néandertal n'était pas si different de nous mais il possédait certaines caractéristiques physiques qui manquait à Homo Sapiens. Son physique était plus robuste, ses muscles plus développés, une force physique supérieure, une meilleure régulation thermique, une meilleure densité osseuse... Après leur assimilation dans l'ADN de Homo Sapiens, les Européens ont donc hérités de certains de ces traits génétiques et cela à améliorer leur chance de survie, notamment en leur dotant d'une meilleure résistance au froid pendant l'hiver. Mais certains Homo Sapiens ont aussi pu hériter d'un gène de Néandertalien qui leur permet d'afficher une myostatine plus basse, contribuant ainsi à une meilleure hypertrophie.
"The genetic legacy of Neanderthals: Current knowledge and future directions"
Vanessa M. Hayes, and colleagues
Polymorphisme nucléotidique (SNPs) et Myostatine
Un polymorphisme nucléotidique est une variation d'une seule paire de base du génome entre individus d'une même espèce.
Il existe trois SNPs connus aujourd'hui pouvant influer sur l’hypertrophie via une réduction/inhibition de la myostatine:
Le premier de cette liste semble être le plus intéressant en terme de culturisme. L'effet lié à cette mutation est littéralement nommé "Myostatin related muscle hypertrophy" ou, en français, Hypertrophie musculaire lié à la myostatine.
Myostatine et androgènes
Prenons un sujet X comme exemple.
X est un culturiste qui use de stéroïdes anabolisants pour, en plus d'une diète et un entrainement parfait, parvenir à une hypertrophie maximale. Les progrès sont flagrants les premiers mois mais cela s’estompe.
Pourquoi? Pourquoi les progrès en terme d’hypertrophies ne sont-il pas linéaire malgré l'utilisation supraphysiologique d'hormone? La réponse est encore une fois la myostatine.
Certains trouvent que les progrès lors d'un cycle de stéroïdes ralentissent après 8 semaines, d'autres 3 mois et la raison est que le corps augmente les taux de myostatine pour bloquer cette croissance musculaire qu'il juge excessive. Au final c'est un mécanisme de protection.
Il existe d'ailleurs une étude très intéressante à ce sujet. Dans cette dernière, il est étudié l'effet de la testostérone et du trenbolone sur la myostatine chez des rongeurs castrés.
Après 29 jours de prise, les rongeurs ayant reçu les injections de testostérone ont obtenu une augmentation de 197% du taux de myostatine. Pour les rongeurs ayant reçu les injections de trenbolone, le taux est alors passé à 209%. L'augmentation du taux de myostatine semble aussi corréler avec la puissance du stéroïde anabolisant en question.
Ci dessus, le culturiste professionnel Flex Wheeler qui possède naturellement une déficience en myostatine. Source: https://www.gannikus.de/hot-stuff/hatte-flex-wheeler-einen-myostatin-deffekt/
Myostatine et fertilité
Au delà de sa fonction régulatrice sur le développement musculaire, la myostatine joue un rôle prépondérant dans la fertilité. En effet elle agit directement sur la libération de l'hormone folliculo-stimulante (FSH). Cette dernière est fondamentale pour la fertilité aussi bien chez les hommes que chez les femmes. Chez la femme, la FSH est responsable entre autres de la sécrétion d’œstrogène, de la stéroïdogénèse ovarienne et de la folliculogénèse. Chez l'homme, la FSH est responsable de la spermatogénèse et de la sécrétion de testostérone.
La question est: si on inhibe la myostatine chez un individus, est ce que sa fertilité en souffre également?
Une étude sur des sangliers a démontrer que les individus dont la myostatine a été inhibée affichaient un appareil reproductif normal. Le volume de sperme était cependant moindre mais cela ne les à pas empêcher de donner naissance à des marcassins en bonne santé tout en leur offrant une musculature supérieure à la moyenne.
Une autre étude cependant démontre que chez les poissons mâles, l'inhibition de la myostatine a entraîné une infertilité du à une apoptose (mort cellulaire) des cellules testiculaires.
Il ne faut pas tirer de conclusion trop hâtive car les etudes sur les humains manquent. Cependant il semble certains que la myostatine joue un rôle extrêmement important dans la reproduction feminine.
Pour la reproduction masculine, cela semble plus confus. Peut être que l'impact n'est pas le même selon les mâles de différents espèces. Peut être que le degré d'inhibition est également à prendre en compte.
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